Et si les geeks arrêtaient de se saper comme des ploucs ?
Est-ce parce que la profession attire une majorité d'introvertis, soucieux de préserver une image la plus neutre possible ? Est-ce pour se conformer à l'image populaire d'un métier de « jeunes » ? Est-ce pour affirmer avec fierté leur différence professionnelle d'ingénieur hacker indifférent aux futiles conventions professionnelles ?
Quelqu'en soit la raison, le constat est évident : beaucoup de développeurs se sapent comme des ploucs.
Le développeur et son uniforme
Jean usé, vieilles basquettes et tee-shirt informe constituent l'inévitable uniforme de notre professionnel des technologies de l'information. La chemise est déjà une concession. Le costume une fantaise. La cravate une incongruité.
L'élégance ne fait pas partie de ses préoccupations principales, et il le revendique fièrement. C'est d'ailleurs avec une légère pointe de condescendance qu'il considère le costume / cravate du commercial, ce parasite improductif. Le développeur, pragmatique en toute chose, cherche le pratique, le confort, le minimal. Il méprise la mode et le « style » vestimentaire, ce qui ne l'empêchera pas de se jeter avec avidité sur le nouvel iphone.
Un de mes profs disait que « technico-commercial est l'insulte ultime, pour un ingénieur ». Un de mes anciens collègues racontait qu'il avait eu le malheur de mettre un costume pour aller en clientèle, et n'avais pas été pris au sérieux en tant que technicien. Les développeurs semblent perpétuer volontairement l'image populaire de l'informaticien coincé à l'adolescence, et en ont fait leur marque de fabrique, leur signe de reconnaissance.
Mon framework pour une cravate !
C'est à mon sens fort dommage ! Car bien s'habiller ne se résume assurément pas à porter des vêtements chers, et encore moins des marques spécifiques. Il faut, pour constituer une mise élégante, maîtriser de nombreuses règles. Certaines ont une origine historique et culturelle. D'autres sont dictées par les lois naturelles de l'harmonie des proportions.
Comme dans une typographie, il y a dans un costume tellement d'éléments à prendre en compte. Tissu, type et largeur des revers, longueur des manches, nombre de boutons et de fentes, structure des épaules, etc. Comme dans une typographie, c'est la cohérence de ces paramètres entre eux qui fera le beau produit. Et comme pour une typographie, seule l'utilisation du produit d'une manière cohérente et intelligente dans un environnement donné produira un tableau à même de contenter l'œil de l'averti.
Assortir textures, couleurs et motifs. Harmoniser coupes et silhouettes. Connaître les termes techniques, les caractéristiques des différents tissus, l'utilité des multiples accessoires. Composer des tableaux cohérents de raccords chaussures et pantalon, veste et chemise, chemise et cravate. Comprendre et respecter l'étiquette sartoriale. Apprécier le travail d'artisans qualifiés. L'élégance est une discipline profonde, complexe et fascinante, qui ne manquerait pas de passionner les geeks que nous sommes.
Car les vrais élégants sont des geeks au sens premier du terme. Des gens curieux qui ont trouvé dans leur discipline un sujet d'étude digne de leur caractère passionné. D'ailleurs, celui qui ne s'intéresse qu'à son apparence est un fat. Un véritable gentleman sera immanquablement ouvert à nombreux domaines tels que l'histoire, la culture, l'artisanat, l'art, la musique, les belles choses, le beau.
Je rêve d'un monde ou l'image populaire du développeur ne serait plus celle d'un bedonnant mal rasé. Je rêve d'un monde ou software architects et agile coaches supplanteraient pompiers, médecins et autres uniformes à l'index des fantasmes féminins. Je rêve d'un monde ou nos « IT People » oseraient refléter par leur élégance extérieure leur richesse intérieure.
Pour aller plus loin
Ceux qui souhaiteraient s'informer plus avant sur le sujet évoqué plus haut seraient bien inspirés de consulter les quelques liens qui suivent. On trouve des textes de grande qualité et une immense culture chez le Parisian Gentleman. *Stiff Collar* est le blog d'un jeune artisan, d'une rare qualité et aux archives pleines de richesses. De belles inspirations sur le Paradigme de l'élégance.
Et pour les plus curieux, ces deux livres sont des bibles, malheureusement difficiles à trouver en français : *Gentleman*, de Bernhard Roetzel et *Dressing the Man*, de Alan Flusser.
Bien à vous.
Edit : Suite à la publication de cet article, on m'a gentiment fait comprendre que j'aurais mieux fait de rentrer chez moi. J'ai fait mon mea culpa. Lisez le avant de poster un commentaire assassin.