Une histoire de poste
Tout commence avec une lettre recommandée avec accusé de réception que m'envoie l'URSSAF (quelque chose de bien plus fréquent que je ne l'aimerais). Jusque là, tout va bien.
Mon dévoué facteur, sans doute pressé de terminer sa tournée pour partir aider ses camarades en sous effectifs au bureau de poste, et soucieux de ne pas m'infliger une sonnerie stridente susceptible de troubler ma concentration, décide qu'il est opportun de laisser l'avis de passage dans ma boite aux lettres.
Sans doute, se dit-il, l'obligation de marcher jusqu'au bureau de poste me dégourdira les jambes, et les échanges cordiaux que je ne manquerai pas d'entretenenir avec nos bons postiers seront bénéfiques pour la vie de mon quartier.
Je ne peux qu'abonder devant tant de bienfaisance. Et puis aussi, j'ai l'habitude.
Le lendemain, je pars donc piétiner à la poste (qui heureusement est à quelques centaines de mètres de chez moi) pour récupérer mon courrier. Je ne manque jamais de m'étonner du peu de personnel disponible, étant donné qu'il s'agit de la PUTAIN DE POSTE CENTRALE DE MONTPELLIER ! Mais je m'égare. Sans doute s'agit-il d'une initiative de la poste pour créer un environnement plus humain, plus convivial.
Bref ! Une fois mon courrier en main, je regagne trauquillement mes pénates, heureux d'avoir eu l'occasion de respirer l'air frais de l'extérieur, tant il est vrai que sans ces sorties à la poste mes journées seraient mornes et vides.
Quelle n'est pas ma surprise, en ouvrant ma boîte aux lettres, de trouver un autre avis de passage ! Nous ne sommes pourtant pas noël !?
Bref, la suite, vous la connaissez. Dés le lendemain, guilleret comme jamais, je trottine derechef faire la queue au guichet. Je ne peux que déplorer l'ingratitude des gens qui un-à-un insultent copieusement la pauvre guichetière, un tel parce que « mon colis à été écrasé dans ma boîte aux letters», un autre parce que « ma mère a 85 ans, ne peut pas sortir et le facteur ne sonne jamais, ça commence à bien faire », et j'en passe. Les gens ne sont jamais content, de toutes façons.
Bref, une fois mon tour arrivé, je tends mon papier avec mon sourire le plus rayonnant à une guichetière qui me regarde, incrédule. « Mais ?! Monsieur ?! Qu'est-ce ? ». Et de m'expliquer qu'il ne s'agit pas d'un avis de passage, mais d'un accusé de réception (ce qui en soit n'est pas évident au premier coup d'œil, étant donné que le papier est déchiré en deux). L'accusé de réception DE LA LETTRE ENVOYÉE PAR L'URSSAF.
Et moi de m'étonner : « Mais, l'accusé de réception n'est-il pas censé être distribué à l'émetteur de la missive ? Ou alors, peut-être n'ai-je pas bien compris le principe ? ». Elle : « Vous avez raison monsieur, je suis désolée, je ne comprends pas, je vais m'assurer que nous le redistribuions ». Sentant la pauvre dame au bord des larmes, je décide d'arborer mon visage le plus neutre possible, et opère un demi-tour afin de sortir dignement.
À peine cinq minutes plus tard, j'écarquille les yeux de surprise en ouvrant ma boite aux lettres. J'y trouve, devinez quoi ? UN PUTAIN D'ACCUSÉ DE RÉCEPTION !!! (Notez l'emploi intempestif des majuscules et la multiplication des points d'exclamations, qui soulignent parfaitement à quel point mes yeux étaient écarquillés).
Oui, mesdames et messieurs, un autre accusé de réception, mais destiné à l'un de mes voisins, et dont la boîte aux lettres se trouve à au moins deux mètres de la mienne.
Aujourd'hui, j'ai les yeux endoloris d'avoir été tant équarquillés. Mais ce n'est pas la vraie conclusion de cette histoire. Non, la vraie conclusion, la voici : quand je constate qu'une entreprise qui existe depuis plusieurs siècles (pardonnez-moi du peu) peut-être autant défectueuse, semblant être conçue pour frustrer et énerver le plus de gens possible, j'ai envie de trouver un responsable. Pas un pauvre pion placé en première ligne mais qui n'a aucun pouvoir de décision, non, un vrai responsable, une ponte, quelqu'un qui est impliqué dans les décisions sur les réductions d'effectifs, ou sur l'embauche de saisonniers incompétents.
J'aimerais trouver ce responsable, le prendre par les épaules, plonger mon regard au plus profond du sien, secouer légèrement la tête de gauche à droite, et soupirer d'un air las…
− Tu me fais chier…