Cela fait maintenant quelques temps que j'exerce mon humble profession sous le statut de profession libérale. Depuis mes premiers rapports avec ces sympathiques organismes que sont le CFE et l'URSSAF, j'ai déjà eu à déménager par deux fois.

Malgré les moult efforts consentis par ces fleurons de la chose publique Française pour faciliter la vie de leurs administrés, c'est à chaque fois pour moi une véritable épreuve tant il est vrai que mon esprit dissipé et vagabond est un outil bien mal adapté à n'importe quelle entreprise impliquant un minimum de rigueur.

Je n'ai aucune ambition d'empaqueter de nouveaux mes affaires pour voler dans un futur proche vers de plus verte contrées mais, le cas échéant, je souhaite m'éviter de nouvelles errances en fixant sur papier électronique le détail de la procédure tant qu'il en subsiste encore quelques traces en ma mémoire.

Voici donc la réponse complète à la question : « Comment déménager quand on est profession libérale (ou auto-entrepreneur) et qu'on travaille à domicile ? ». En avant la musique !

Première étape : remplir le dossier

La première étape, c'est bien entendu de remplir le formulaire diligemment mis à notre disposition par le CFE, ou Centre de Formalité des Entreprises. Je vous conseille de vous munir d'une bonne paire de lunettes de soleil tant le design du site est éblouissant et brille par sa modernité.

De nombreux boutons forts seyants occupent le contenu central et attirent immédiatement notre attention ; c'est pourtant sur le discret « Déclarer une formalité », bien caché dans la barre latérale, qu'il faudra cliquer, avant de choisir « Profession libérale ou assimilée » puis « Une (des) modification (s) de votre votre situation ou de votre activité » dans les menus qui apparaissent en sautillant gaiement, telle la frêle mère de Bambi tentant d'échapper à un chasseur aussi ivre que vindicatif.

Malgré le fait qu'une « page informative » nous informe effectivement que deux choix sont à notre disposition, aucun choix ne se présente à nous ici si ce n'est celui de cliquer sur le bouton « suivant ». Ne craignez rien, il n'y a pas de piège (pas encore).

La liste qui s'affiche maintenant est, j'en conviens, assez intimidante. Il suffit pourtant d'être logique : la case à cocher est bien « Changement de domicile personnel ». Notez que si vous ne vous y prenez pas suffisamment tôt, l'URSSAF, qui n'aime pas les procrastinateurs, vous enverra sur les roses. Tâchez donc d'indiquer une date récente, même si votre déménagement remonte à plusieurs semaines.

Après de saisissants effets visuels à base d'iframes (une technologie qui a de l'avenir), vous voici maintenant devant un formulaire qu'on ne peut que qualifier de vertigineux.

L'on est immédiatement accueilli par un sympathique « Tous les emplacements de saisie encadrés en rouge doivent obligatoirement être remplis » ce qui revient à dire aux malheureux daltoniens « et si tu allais immédiatement te faire mettre bien profond ?! ». Néanmoins, je ne vois pas trop pourquoi un daltonien aurait l'idée saugrenue de vouloir déménager et de toutes façons, ces gens là ne sont pas comme nous.

Bref ! Commencez par remplir guillerettement votre numéro de Siren, puis complétez l'intégralité du formulaire pour bien rappeler à l'URSSAF toutes les données qu'il a déjà en sa possession mais c'est pour éviter à leurs développeurs de développer leur arthrite en tapant une ou deux requêtes SQL supplémentaires. Je note que l'URSSAF est un organisme philanthropique qui n'hésite pas à donner de l'emploi aux seniors en recrutant ses développeurs dans des maisons de retraite.

Finalement, après avoir rempli l'essentiel captcha qui évite sans doute aux… heu… aux… bref ! Cliquez sur validation, imprimez le pdf, paraphez et signez les différentes feuilles, et envoyez le tout à l'adresse indiquée. Vous pouvez désormais vaquer à vos occupations. Fin de la première étape.

Deuxième étape : re-remplir le dossier

Au bout de quelques semaines, une fois qu'un quelconque retraité aura ouvert votre enveloppe et traité votre dossier, vous devriez recevoir ce message sibyllin et plein d'entrain :

CENTRE DE FORMALITES DES ENTREPRISES, le 24/10/2012, 15 heures 40
    -=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

Le Centre de Formalites des Entreprises de l'URSSAF DE L'HERAULT vous informe que :

Votre declaration du 03/10/2012 referencee U3402I361548 a ete refusee car :


Message de votre correspondant URSSAF :
Votre adresse personnelle est aussi votre adresse professionnelle, nous ne pouvons donc pas traiter votre declaration telle quelle.
Veuillez renouveler votre formalite en cochant les evenements
- Pour votre adresse de domicile : 16P.
- Pour votre adresse professionnelle : 11P 54P 80P.
Cordialement

Sot que vous êtes ! Vous n'avez pas coché les cases 11P, 54P et vous avez même oublié, dans votre insoutenable étourderie, la pourtant incontournable 80P ! N'était-ce pourtant pas évident, étant donné que votre adresse professionnelle est effectivement également votre adresse personnelle ?

Prenons quelques minutes pour réfléchir à notre crasse imbécilité, faire amende honorable, et remercier cette glorieuse administration pour cette formidable leçon d'humilité. Nous ferons pénitence en nous fouettant à coup d'orties fraiches, mais plus tard. Pour le moment, replongeons nous dans les méandres du site du CFE.

Passons rapidement sur les premières étapes, pour retourner sur la page listant les démarches à effectuer. Si vous êtes auto-entrereneur, l'URSSAF vous considère comme un benêt léger, et évitera de trop mobiliser vos neurones ; en effet, les différentes cases à cocher sont belles et bien libellées comme telles (« 16P » et « 11P 54P 80P »).

Si vous êtes profession libérale, en revanche, on considérera que vous êtes un peu moins abruti que ces bœufs d'AE. Vous conviendrez qu'il n'est nul besoin d'oblitérer cette glorieuse mise en page par de simples références à l'aspect si roturier. Pour les moins sagaces d'entre vous, je vous donne néanmoins les intitulés des cases à cocher : il s'agit de « Changement de domicile personnel » d'une part, et « Transfert de l'entreprise dans un nouvel établissement. L'ancien établissement est supprimé. » d'autres parts. C'était pourtant évident. Psss…

Vous voici de nouveau devant un étourdissant formulaire, plein de couleurs chamarrées et chatoyantes. Je ne vous ferai pas l'insulte de vous expliquer quoi faire à cet endroit, quoi que vos anciens égarements me fassent douter de vos facultés les plus élémentaires.

On capchatte, on imprime, on signe, on envoie, et le tour est joué. Vous pouvez derechef retourner à votre morne et triste vie d'administré.

Troisième étape : inclure toutes les pièces nécessaires

Quelques semaines passent et vous aviez tout oublié de cette triste affaire. Las ! Par un beau matin, vous ouvrez innocemment votre boîte mail pour trouver un mail de mauvaise augure. Son objet déclenche une douloureuse impression de déjà vu : CENTRE DE FORMALITES DES ENTREPRISES : Refus de votre dossier.

Le Centre de Formalites des Entreprises de l'URSSAF regionale du LANGUEDOC-ROUSSILLON vous informe que :

Votre declaration du 07/05/2013 referencee U3407I664315 a ete refusee car :

Message de votre correspondant URSSAF :
Monsieur,

Je suis au regret de vous informer que nous n'avons pas re??u la copie de votre piece d'identite. Je vous rappelle que ce justificatif est indispensable pour valider votre declaration. Je vous invite a nous faire parvenir ce document des reception de ce message.et renouveler votre demande

Cordialement
CFE URSSAF "

Quel camouflet ! Violemment aiguillée par la typographie plus qu'hasardeuse de cette lapidation épistolaire, votre rage est telle que vous sortez immédiatement vous défouler en insultant les écoliers qui sont justement en train de sortir de l'école maternelle en bas de chez vous.

Une fois calmé, les mâchoires encore recouvertes de débris d'oreilles infantiles, vous pouvez de nouveau réfléchir sereinement. Comment n'aviez-vous pas pensé que l'URSSAF avait besoin d'une copie de votre pièce d'identité ? C'était pourtant évident, n'est-ce pas ? C'était tellement évident que ça n'a jamais été écrit nulle part à aucun moment de la procédure. Un tel niveau d'évidence aurait pourtant dû vous mettre la puce à l'oreille, jeune andouille !

Vous savez maintenant quoi faire : reprenez les étapes depuis la première, et cette fois n'omettez d'inclure aucuns des éléments qui ne sont pas mentionnés tant l'évidence de leur nécessité crève les yeux.

Vous connaissez la suite de la procédure.

Quatrième étape : on prie

Affaire à suivre…