Qu'est-ce que la couleur ?
Une bonne compréhension des couleurs est primordiale en photographie, car qu'est-ce qu'une photo sinon un gros tas de couleurs appliquées sur un carré de papier ? Mais au fait, qu'est-ce qu'une couleur ?
Pour de nombreuses futures jeunes mariées, sélectionner une couleur de robe entre blanc, blanc cassé, écru, ivoire… est un dilemme cornélien. Il y a encore quelque années, ce simple fait ne laissait pas de m'étonner. Blanc, c'est blanc, non ?!
Après enquête, il s'est avéré que non, blanc n'est pas forcément blanc. À vrai dire, la couleur en général est quelque chose d'assez complexe.
Mais au fait, qu'est-ce qu'une couleur ?
Qu'est-ce qu'une couleur ?
La couleur est une perception ; c'est-à-dire qu'un phénomène physique (un truc qui existe concrètement dans le monde qui nous entoure), capté par notre corps, est converti en information utilisable par notre cerveau, par exemple pour nous aider à savoir si la galette est trop cuite ou pas.
La perception de la couleur fait intervenir des phénomènes physiques, chimiques et psychologiques. Rien que ça…
Quel est donc ce fameux phénomène que l'on va mesurer ? C'est tout simplement la lumière.
Qu'est-ce que la lumière ?
Si j'en crois Wikipédia, « human color perception is determined by a specific, non-unique linear mapping from the infinite-dimensional Hilbert space Hcolor to the 3-dimensional Euclidean space R3color ». Haha. Wat !?
Ok, ok… Je vais essayer de simplifier un peu la chose.
Prenez une bassine d'eau. Tapotez délicatement à la surface. Les petites vaguelettes qui naissent sous votre doigt et s'en éloignent de manière concentrique, on appelle ça une onde.
Observez maintenant ce qu'il se passe lorsqu'une vaguelette touche un bord de la bassine, ou un obstacle que vous aurez placé à l'intérieur (un canard en plastique, par exemple). Comme un parisien qui débarque au Cap d'Agde au mois d'août sans avoir réservé, elle rebondi et repars dans l'autre sens.
Une des propriétés physique de votre onde, c'est sa longueur, c'est à dire la distance entre deux crêtes (ou deux creux). D'ailleurs, on parle de longueur d'onde, facile à retenir, non ?
Attention à ne pas confondre avec une ondée, qui est un terme poétique pour désigner une grosse pluie qui mouille.
Pourquoi parler de vaguelette et de canards en plastique pour décrire la lumière ? Et bien parce la lumière n'est rien d'autre qu'une onde. Sauf que sa longueur d'onde est infiniment plus petite, et qu'elle se déplace infiniment plus vite.
C'est une onde un peu particulière, toutefois, puisque contrairement à nos vaguelettes qui ont besoin d'eau pour se propager, la lumière peut se propager dans le vide. Nous n'allons pas rentrer dans les détails parce qu'il nous faudrait parler de mécanique quantique, de dualité ondes / particules, que c'est compliqué et que de toutes façons on s'en fout.
Petite subtilité : la lumière (en tout cas la lumière blanche que nous envoie le Soleil) n'est pas vraiment constitué d'une seule onde, mais d'une infinités d'ondes de longueurs différentes qui voyagent ensembles.
Comme nos vaguelettes, lorsque la lumière arrivant d'une source donnée (le Soleil ou un bon feu de cheminée, par exemple) frappe un truc quelconque, elle rebondi dans toutes les directions et fini par être captée par nous. Les objets qui nous entoure réfléchissent certaines longueur d'ondes et pas d'autres, ce qui explique au final leurs couleurs différentes.
C'est clair ?
Le doigt dans l'œil
Comment passe-t-on d'un phénomène physique (un groupe d'onde qui rebondit joyeusement partout) à une information (marron foncé) utilisable par le cerveau (la galette est en train de cramer) ? C'est bien évidemment notre œil l'organe chargé de la perception de la lumière.
Si vous ne me croyez pas, fermez les yeux. Tout est noir ! Rouvrez les yeux. Les couleurs sont revenues. Bouchez vous les oreilles. Les couleurs sont toujours là ! Cette démonstration époustouflante de pédagogie suffira à convaincre les plus sceptiques d'entre vous que nous percevons les couleurs par les yeux et non par les oreilles.
Le fond de notre œil est tapissé de multiples cellules capables de détecter la lumière. Il existe deux sortes de cellules.
- les cônes, (relativement) peu nombreux et que l'on retrouve concentrés au centre de la rétine ;
- les bâtonnets, bien plus répandus et qu'on trouve plutôt sur la périphérie de la rétine.
Les cônes sont très sensibles à la longueur d'onde, ils permettent donc de percevoir les couleurs. Les bâtonnets, en revanche, sont très sensible à l'intensité lumineuse, ils permettent plutôt de voir la nuit même avec peu de lumière, et sont impliqués dans notre vision périphérique.
Quelques faits amusants concernant notre œil :
Les cônes étant concentrés sur une très petite zone au centre de la rétine (la fovéa), nous sommes obligés de déplacer nos yeux en permanence pour nous représenter le monde en couleur et avec précision.
Les bâtonnets ne distinguent pas les couleurs. Il s'ensuit que notre vision périphérique est… floue et en noir et blanc. Si vous percevez la couleur d'un objet du coin de l'œil, c'est simplement une construction mentale gracieusement fournie par votre cerveau.
La périphérie de votre œil est beaucoup plus sensible à la lumière. Essayez de regarder le ciel cette nuit. Du coin de l'œil, vous percevrez de nombreuses étoiles à peine visibles. Mais si vous essayez de les regarder directement, elles disparaissent.
Puisque ce sont les cônes qui nous permettent de capter la couleur, c'est sur eux que nous allons concentrer notre investigation.
Antoine de cônes
Nous autres, pauvres humains, disposons de trois types de cônes. Chaque type est plus sensible à une plage de longueurs d'ondes spécifique. Lorsqu'une onde d'une longueur donnée frappe votre rétine, elle excite (rien de sexuel là dedans) les trois types de cônes dans des proportions différentes. En gros, notre œil ne « voit » que trois couleurs : rouge, vert et bleu, mais en combinant ces informations, notre cerveau est capable de reconstituer l'immense palette de teintes auxquelles nous sommes habitués.
On estime grossièrement que l'on peut en moyenne discerner une centaine de nuances distinctes pour un type de cône donnée, c'est à dire qu'on peut distinguer une centaine de nuances de bleu, de rouge et de vert.
Par conséquent, le cerveau peut faire la distinction entre 100 * 100 * 100 = 1 million de couleurs différentes. Balaise, non ?
Voici les couleurs qui correspondent aux longueurs d'ondes perceptibles par notre œil.
Ne faites pas trop les fanfarons. Sachez que les pigeons ou les papillons disposent de 5 types de cônes différents. Ils peuvent donc en théorie faire la distinction entre 10 billion de couleurs distinctes. C'est un peu comme s'ils étaient naturellement sous LSD, ce qui explique peut-être l'attitude un peu hallucinée de ces sympathiques volatiles.
Enfin, inclinons nous tous devant la crevette-mante paon, qui dispose quand à elle de 16 p#!ain de types de cônes différents ! Sa vision des couleurs est tout bonnement pour nous inconcevable, c'est comme si elle voyait le monde en mauvais HDR, ce qui explique sans doute pourquoi elle est toujours de mauvaise humeur. Si on ajoute à ça le fait qu'elle dispose de deux pénis, on se rend compte que la crevette-mante est probablement la véritable espèce dominante sur Terre.
Et la psychologie dans tout ça ?
Voilà pour la partie physiologique. Mais attendez, ce n'est pas tout à fait tout. J'ai également mentionné un aspect psychologique. Parce que notre cerveau, une fois en possession de l'information brute, va appliquer une interprétation bien à lui, ce qui peut donner lieu à de nombreuses illusions amusantes.
L'induction chromatique
Une couleur sera perçue différemment en fonction des couleurs qui l'entourent. C'est un phénomène poétiquement appelé l'induction chromatique.
Lorsque deux couleurs sont placées côte à côte, notre cerveau tend à maximiser leurs différences pour nous aider à mieux percevoir le contraste. C'est un phénomène très bien mis en avant par les images suivantes.
Les œuvres du peintre Carlos Cruz-Diez illustrent également très bien le phénomène.
L'adaptation chromatique
Notre cerveau a également tendance à évaluer les couleurs dans le contexte de l'environnement.
Ainsi, des couleurs paraîtront plus claires si elles sont perçues dans un environnement obscur. La meilleure démonstration de cet effet est l'échiquier d'Adelson.
Un même objet, sous un éclairage différent, réfléchira objectivement des couleurs différentes. Notre cerveau compense toutefois ces différences et notre perception de la couleur reste identique. C'est que qui permet de jouer sur la balance des blancs pour donner une ambiance différente à une photographie, sans pour autant modifier la perception des couleurs.
Pour finir
Ouf ! J'espère vous avoir convaincu que la couleur est quelque chose d'assez complexe, et que grâce à ce modeste billet vous aurez pu voir… la lumière.